Manager eSport : les coulisses du métier avec Thomas Royer

Est-ce que vous savez ce qu’est un Manager eSport et quel est son rôle au sein d’une équipe de Sim Racing ? Si ce rôle de l’ombre est souvent assez méconnu du grand public, il a pourtant un rôle absolument capital à tous les niveaux ! Car si depuis 2020 on voit une montée en puissance de la simulation auto et des compétitions officielles, ce fut aussi un tournant qui a vu de nombreuses structures se professionnaliser.

Aujourd’hui je vous propose donc de partir à la rencontre du Manager eSport de l’équipe Filière Endurance eSport, Thomas Royer. Dans cette interview, il nous révèle le quotidien du manager d’équipe eSport, les compétences requises et les défis à relever !

Bonjour Thomas, pourrais-tu te présenter brièvement à nos lecteurs ?

Moi c’est Thomas, j’ai 25 ans. Je suis arrivé à la Filière Endurance eSport au tout début, avant même la première course. Il y avait des sélections et je suis rentré via une amie qui bossait à la Filière Endurance à l’époque. J’ai passé les sélections, fait la première course et je faisais partie de l’équipage qui a remporté la première victoire. Après au fur et à mesure, je me suis plus investi dans le projet et je me suis retrouvé à gérer la filière eSport avec Mathis. [Mathis que vous avez pu rencontrer lors de notre interview la semaine dernière]

Alors, un Manager eSport ça fait quoi dans l’équipe ?

Concrètement, si on devait le comparer à un métier que tout le monde connait, c’est un peu comme être chef d’entreprise. Tu as énormément de choses à faire. Il faut gérer les pilotes, tu gères un peu les plannings de course, les entrainements… Après, il faut aussi faire les livrées des véhicules ce qui représente énormément de travail. Chercher les prochaines courses, chercher les sponsors. Il y a tout l’aspect communication sur les réseaux. Ca englobe énormément de choses, c’est comparable à un métier de chef d’entreprise mais à plus petite échelle.

Est-ce que c’est l’aspect gestion des effectifs qui prend le plus de temps ?

On pourrait le penser mais comme dans l’équipe on a choisi des pilotes qui sont dans la même mentalité que nous c’est bien plus simple. Les gars arrivent à se gérer eux-mêmes. On n’a pas besoin de leur rappeler quand ils doivent aller en course par exemple, donc ça nous enlève déjà une grosse partie. Sur le côté humain il n’y a pas énormément de choses à gérer, ça se fait naturellement.

Quand on doit créer les équipages pour les courses, pareil, on pourrait penser que c’est toujours les mêmes personnes qui se regroupent. Mais non, tout le monde tourne et comme tout le monde s’entend bien c’est plus simple et naturel. Tout le monde bosse ensemble pour l’équipe. On fait beaucoup d’endurance et le travail d’équipe c’est le leitmotiv chez nous. Donc de toute façon il n’y a pas le choix que de s’entraider en bossant ensemble. De toute façon il n’y a pas de secret, plus on travail et plus ça nous réussi !

C’est quoi la journée type d’un Team Manager eSport ?

Si je prend une journée type en ce moment, 2 à 3 heures par jour de gestion et il y a énormément de choses à gérer. Ce n’est pas simplement se connecter à une course, il y a toute la paperasse, les relances, la communication…

Aujourd’hui on n’est pas énormément (dans l’équipe Filière Endurance eSport), on a 14 pilotes et on fait avec le temps de chacun. Avec Mathis on travail beaucoup plus parce qu’on a monté l’équipe il y a 1 an et ce qu’on a pu faire nous motive encore plus. Mais on est habitués avec Mathis à travailler comme ça et ça fonctionne plutôt bien. Et pour la création d’évènements, ça ne prend pas forcément plus de temps parce que ce sont des choses qu’on prépare sur le long terme. On organise 1 évènement tous les trois mois donc on a à chaque fois 3 mois pour préparer. Et à force d’en créer on a de moins en moins de travail en amont parce qu’on sait comment ça fonctionne et on sait comment faire les choses.

Comment vous choisissez les évènements auxquels vous participez ?

Ca dépend. Par exemple les principaux ce sont les évènements iRacing. Prenons par exemple les 24 Heures de Daytona, c’est une semaine avant la course réelle. Ce genre de course ce sont des courses officielles sur iRacing. Donc il y en a 8 par ans. Et à ça viennent s’additionner des courses de 6 heures en championnat sur iRacing. Mais en ce moment ce championnat de 6 heures s’est transformé en championnat de 24 heures.

Ca fait une course de 24 heures toute les deux semaines, c’est un peu plus compliqué à gérer mais avec les 14 pilotes on arrive à avoir au moins une voiture dans chaque évènement. Et peut être qu’à la fin on pourra aller décrocher un podium mondial.

Après il y a aussi des courses organisées par la communauté. Celles-là ne sont pas imposées aux pilotes, ils y vont d’eux même. Parce que ça reste du eSport, on a une vie à côté donc on n’impose rien. S’il y a des courses externes à nos objectifs et qu’ils ont envie de la faire, ils la font. Et s’ils ne veulent pas ils ne la font pas.

Toutes vos courses se font sur iRacing pour le moment ?

Oui, c’est là qu’il y a la communauté… Enfin je pense qu’Assetto à la plus grosse communauté aujourd’hui sur leur jeu, mais iRacing est celui qui fait le plus parler. Pour les courses professionnelles c’est là que ça se passe. Il y a moins de communauté mais beaucoup plus de visibilité.

Est-ce que vous avez des objectifs précis en tête avant un évènement ?

Sur les courses non. Bien sur on vise toujours le meilleur résultat mais on ne peut pas vraiment se donner d’objectif parce que ça ne dépend pas que de nous. Aujourd’hui ça ne reste « que » du simracing, il peut y avoir des bugs, des problèmes d’ordinateur ou même avec les adversaires.

On ne peut pas se cacher que c’est un peu compliqué avec les autres pilotes donc on ne peut pas se donner d’objectifs. On se dit qu’on a bossé pour et que s’il n’y a pas de problème on va chercher le plus haut possible. Impossible de partir en se disant « il faut qu’on gagne ».

En tant que Manager eSport choisir des pilotes fairplay c’est important pour toi ?

Oui c’est même prioritaire ! Aujourd’hui dans l’équipe il n’y a pas une seule personne qui part en se disant qu’il faut gagner parce qu’on s’est entrainé 10 heures. Parce que ça c’est un comportement qui est à l’opposé de nos valeurs à la Filière Endurance. Et si tu pars dans une course en te disant qu’il faut absolument que tu gagnes, il va forcément t’arriver un truc. Tu vas vouloir aller chercher la limite tout le temps et ce n’est pas du tout la mentalité de l’endurance aujourd’hui.

En endurance c’est un juste milieu à trouver entre rapidité et surtout de rester calme. Après il y a des évènements qu’on ne gère pas et c’est là dessus qu’il faut parfois avoir un bon mental pour ne pas flancher.

Et au niveau de l’entrainement, des objectifs à réaliser ?

La priorité c’est de s’améliorer évidemment. On va s’entrainer avant une course pour être le plus rapide possible. Mais nos entrainements sont surtout là pour apprendre aux pilotes comment gérer certaines situations dans le trafic ou en course. Mais aussi sur le setup ! Parce que quand on part sur une course on n’a pas de setup tout fait. On fait notre setup nous même.

Par exemple, là on va faire les 24 heures de Monza. Donc on se prépare et tout le monde va donner son ressenti sur le setup. Et avec ça on va faire en sorte que la voiture convienne à tout le monde. L’entrainement sert à avoir un avis et d’améliorer pour être le plus près possible à chaque course.

OK, je vois que selon les équipes les setups sont gérés de diverses manières !

En fait aujourd’hui un pilote professionnel ne va pas faire son setup lui même. L’ingénieur va faire le setup et après le pilote doit s’acclimater au setup. Donc les ingénieurs ont des astuces pour le rendre plus rapide et c’est au pilote de s’adapter. Ils n’ont pas le choix. Ce n’est pas du tout comme ça qu’on fonctionne. En plus on ne peut pas imposer aux gars de s’acclimater à un setup, ils ont leur vie à côté. Nous on ne vit pas du simracing et on ne reste pas 8h/jour sur le simu.

Et le truc, c’est que tu te retrouves à conduire une voiture que tu ne comprends pas et je pense que c’est compliqué. Parce que si tu ne comprends pas ce que tu conduis, c’est difficile de s’améliorer. Après il y a la télémétrie, on bosse beaucoup avec… Mais personnellement ça me gênerait un peu de rouler avec un setup que je ne comprends pas. Malgré tout il faut avouer que cette technique a déjà bien fait ses preuves.

Pour en revenir au rôle de Manager eSport, la gestion des sponsors ça se passe comment ?

Au départ on essayait de trouver des entreprises Sarthoises autour du Mans. C’était le plus simple car la Filière Endurance vient de là. Après on a cherché les petites entreprises de simracing qui ne sont pas forcément très connues. Ca se passe de plus en plus via Linked’In.

On ne vise pas d’entreprises spécifiques, ce qu’on cherche c’est de personnes avec qui on puisse grandir et apprendre d’eux. On ne cherche pas non plus des sponsors qui nous donnent simplement de l’argent ce n’est pas ma vision du sponsoring non plus. C’est important aussi pour les sponsors de savoir dans quoi ils investissent et pourquoi. S’ils sont passionnés c’est encore mieux et c’est plus facile de travailler ensemble. Voilà on veut des sponsors qui puissent nous apprendre des choses et qu’on puisse s’entraider sur certaines points.

Quelle est la compétence n°1 pour un Manager eSport ?

L’humain. C’est comme dans une entreprise, si tu te sens bien où tu travailles, c’est beaucoup plus simple d’avancer. Et c’est ce qu’on a tout de suite voulu mettre en place avec Mathis. Je ne veux pas trop m’avancer mais je pense que tout le monde se sent bien chez Filière Endurance eSport et qu’on a fait le bon choix.

Quand on a commencé on était 5 et on a fait du recrutement à partir d’octobre/novembre 2022. Et on avait le choix soit de prendre des pilotes rapides mais pas forcément dans notre état d’esprit. Ou alors de prendre des pilotes peut être moins rapides mais avec la mentalité qu’on cherchait. C’est la deuxième option qu’on a choisi et ça fonctionne.

Par exemple on a même Léo qui est rentré dans la Filière eSport et qui passe même en Filière Endurance en Mitjet. Via l’esport on a réussi à le faire basculer sur le réel. Je trouve ça très sympa parce que c’est justement le cursus que voulait mettre en place Jean-Bernard Bouvet [fondateur de Filière Endurance et pilote réel d’endurance] et on a réussi à le faire déjà avec une personne !

Quel aspect de ton boulot de Manager eSport te donne le plus de plaisir ?

Moi ce que j’aime c’est le fait qu’on soit parti de zéro et on a construit une bonne structure. Même s’il y a encore beaucoup de travail. Tu vois, on a une évolution constante du coup ça nous motive tout le temps à en faire plus. C’est ma motivation première. Et comme on arrive à gagner de grosses courses, tout le monde travail encore plus pour aller encore plus haut. Ce qui me plait c’est que tout le monde tire dans le même sens !

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’année à venir ?

Déjà que ça continue à bien se passer. Après ce qu’on aimerait c’est continuer à trouver des sponsors car on a des projets pour la fin d’année. Déjà de pouvoir rassembler tous les pilotes pour encore plus souder les liens. Mais pour ça il faut des sponsors et mettre tout ça en place !

Merci infiniment à Thomas !

Merci à Thomas et à toute l’équipe de Filière Endurance. J’espère que vous y voyez maintenant plus clair sur le poste de Manager eSport. C’est un rôle clé, extrêmement riche, sur lequel on pourrait parler des heures. Si vous voulez découvrir encore plus de rôles clés dans l’univers du eSport et du SimRacing, restez dans le coin ! D’autres interviews arrivent prochainement.

Et si vous ne connaissez pas encore Filière Endurance, je ne peux que vous inviter à aller lire l’interview de Mathis Poulet, pilote réel et responsable du pôle eSport.

Enfin, n’hésitez pas à poser toutes vos questions en commentaires, je me ferais une joie de les poser lors des prochaines rencontres avec l’équipe ! On se retrouve avec plaisir juste en dessous 😉

Je serais ravi d'avoir vos avis !

Laisser un commentaire

Le blog Simracing de Sam et Flo
Logo